Jour 18 – Strathchailleach bothy

Strathchailleach bothy (Ref grid: 248658) [à l’abri de la tempête]

Dimanche 13 mai

Petit réveil nocturne, comme souvent ces jours-ci quand il fait froid. Mais cette fois les choses sont bien différentes. Il est 1h du matin, et c’est la tempête, la vraie. La tente est secouée dans tous les sens, balancée de droite à gauche par les rafales. L’espace intérieur a entièrement disparu, avalé par les parois compressées par la force du vent. La tente est collée à mon sac de couchage, et je n’ai plus qu’un tout petit espace vital au niveau de l’arceau en tête de tente. Je sens la sangle inférieure qui maintient l’arceau se décoller du sol sous mon matelas : la tente essaie de s’envoler !

Un coup d’oeil à l’extérieur me révèle qu’une sardine s’est libérée, l’élastique rongé par la pierre censée la renforcer. Je replante et contrôle le reste, tout va plutôt bien de ce côté-là. Il fait nuit noire, et l’aube est encore loin. Le mieux est de faire le dos rond et d’attendre que ça passe. Je n’arrive pas vraiment à me rendormir cependant, et je somnole quelques minutes ici et là. L’aube approche doucement. A 5h je jette un nouveau coup d’œil à l’extérieur. Et je comprends pourquoi ça bouge de plus en plus… Sur les 5 sardines en tête de tente, 4 ont disparu ! La dernière s’envole sous mes yeux, et le coin de la tente se met à battre violemment, volant follement dans les rafales ! Je m’envole ! Les amarres sont rompues, rongées elles aussi par les pierres de renfort. Impossible de replanter. Ok, je dégage d’ici, et vite fait.

Rabillage et rangement express du barda, et hop dehors dans la tempête. J’ai du mal à tenir debout dans les rafales, c’est dire si ça souffle… Malgré mes craintes face à la force du vent, je n’ai pas trop de difficultés à remballer la tente. On verra plus tard pour l’élégance du pliage ! Départ au trot pour un bothy tout proche, que j’avais évité la veille de peur qu’il soit bondé un samedi soir. 30 minutes plus tard j’y suis. A l’intérieur, c’est un havre de paix, à l’abri des éléments déchaînés. Dehors, la pluie s’est ajoutée au vent, et les rafales s’écrasent sur les vitres. Je suis bien content d’être à l’abri, et bénis la Mountain Bothy Association, qui maintient tous ces refuges à travers l’Ecosse et l’Angleterre…

Celui-ci a une histoire un peu spéciale. Il était le refuge de Sandy, un presque ermite, qui y a vécu pendant 32 ans, sans eau, gaz et électricité. Il allait, à pied, toutes les semaines à Kinlochbervie toucher sa pension, et faire le plein de vivres (et de whisky) au London Store. Extraordinaire. Quelques photos de lui aux murs, à côté des peintures murales qu’il a réalisées lui-même, et qui décorent le bothy. Ici, une représentation de Neptune, dans toute sa grandeur. Là, des naïades. L’endroit est un peu féérique, plein de caractère et chargé d’histoire. De plus, c’est un feu de tourbe que j’allume bientot dans la cheminée (un peu dur d’allumage d’ailleurs la chose..). Un gisement tout proche alimente le bothy, tout comme il permettait à Sandy d’avoir à l’époque un feu ronflant à longueur d’année.

Au mur, un portrait de Sandy

Au mur, un portrait de Sandy

Je m’installe peu à peu. Je suis finalement seul dans le bothy, et dehors la tempête fait toujours rage. Quand j’ai quitté le campement tout à l’heure, un coup d’oeil à l’état de la mer laissait penser à un vent de force 6-7, qui ne semble pas faiblir. Les vitres tremblent sous les rafales. J’avais un jour d’avance sur mon planning, et bien mon programme pour cette journée est tout trouvé : rester au coin du feu ! En plus, quelques livres restent à disposition des randonneurs de passage, un vrai bonheur. L’histoire de la tourbe m’instruit pendant un moment, puis je m’absorbe dans l’autobiographie d’un soldat de la Seconde Guerre mondiale qui a survécu au pont de la rivière Kwai, à un torpillage, et à Nagasaki. Incroyable.

Au coin du feu, entouré des peintures murales

Au coin du feu, entouré des peintures murales

La journée est seulement ponctuée de quelques sorties pour aller faire le plein de tourbe. Vers 17h30, le temps commence à se calmer, et à 18h de timides rayons de soleil pointent le bout de leur nez. J’en profite pour faire un tour, mais le vent souffle encore en tempête. Et surtout, la rivière qui coule derrière le bothy est en crue ! Elle est montée de 20 à 30 centimètres depuis le matin, et ça ne s’arrange pas. Je dois la traverser demain matin, ça ne va pas être une partie de plaisir… Enfin de toute façon demain me verra atteindre le Cape Wrath d’une façon ou d’une autre, alors on verra bien !

Le bothy, sous le soleil retrouvé

Le bothy, sous le soleil retrouvé

La rivière est en crue !

La rivière est en crue !

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